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La Beaujoire, quarante ans de conquêtes - Les Cahiers du football || magazine de foot et d'eau fraîche

La Beaujoire a mis quelques années à conquérir sa légitimité. Il faut dire que le stade nantais, inauguré en 1984, prenait la succession d'un monument inscrit de son vivant dans l'imaginaire local, le Stade Marcel-Saupin qui, à défaut de modernité, recelait chaleur et convivialité. Le FC Nantes y établissait des records d'invincibilité et ses adversaires, quel que soit leur renom, redoutaient le déplacement. Le Stade de la Beaujoire (on ne lui avait même pas trouvé de nom) a été construit en périphérie de la ville, dans un quartier sans âme, loin de tout engouement populaire. Il était pourtant nécessaire à la ville, qui s'était portée candidate à l'accueil de rencontres de l'Euro 1984, et à qui avait été signifié que Saupin ne répondait plus aux normes. La froideur du stade géant, dont les formes arrondies dessinées par l'architecte Berdje Agopyan tranchent singulièrement avec les angles durs de Saupin, est constatée au propre dès le match inaugural en mai 1984, quand les courants d'air s'engouffrent dans les tribunes et gèlent une grande partie du public. La soirée est en outre marquée par une défaite des Canaris... qui ne jouaient même pas en jaune, les organisateurs ayant eu la bonne idée d'inviter la sélection de Roumanie, alors en préparation de l'Euro. Quelques semaines plus tard, Michel Platini et l'équipe de France livrent sous le soleil un match flamboyant contre la Belgique, écrasée 5-0. Une nef de béton glaciale On croit alors que la Beaujoire a conquis les cœurs, mais c'était mal évaluer les réticences des Nantais. Non seulement le public affiche son hostilité, mais les joueurs et les techniciens semblent perdus dans cette grande nef de béton. Dès ses premiers pas dans la nouvelle enceinte, le FC Nantes orphelin de Saupin fait l'expérience d'une saison complète à l'extérieur, ne parvenant jamais à s'adapter aux conditions imposées par le nouveau stade. Les Canaris terminent à la deuxième place du championnat, après avoir perdu leurs points les plus précieux à domicile, notamment le décisif Nantes-Bordeaux (0-1) disputé devant plus de 44.000 spectateurs, record intouchable. C'est également à domicile que s'arrête le parcours en Coupe de France, un PSG moribond ayant su profiter de l'aubaine. Bien que toujours solidement accroché aux sommets du football national, s'offrant même de mémorables soirées européennes, le FC Nantes joue paradoxalement de nombreuses rencontres devant des assistances faméliques. Et sans doute l'enceinte a-t-elle sa part de responsabilité dans le léger déclin que va connaître le club à partir de 1986. On condamne durant quelques années la partie haute de la tribune Jules-Verne pour éviter que les télévisions ne donnent le navrant spectacle de gradins clairsemés. photo cc Chabe01 Il faut le miracle de 1992 pour qu'enfin l'édifice, rebaptisé Louis-Fonteneau en hommage à l'ancien président du club décédé, hérite d'une âme. A la suite d'une crise financière qui aurait dû envoyer le club en deuxième division, les jeunes joueurs appelés à remplacer les onéreuses vedettes vendues aux plus offrants font preuve d'une force collective insoupçonnée qui rend au jeu local ses lettres de noblesse. Cette épatante équipe des Loko, Pedros, Karembeu, Ouédec, Ferri, Makelele et consorts dévaste tout sur son passage, parvient à remplir le stade et à lui donner enfin une légitimité. Il aura donc fallu onze ans pour que la Beaujoire fête son premier titre de champion de France, alors qu'elle abrite un club qui comptait en moyenne un titre tous les trois à quatre ans. Les supporters lui rendent l'âme Si le FC Nantes s'est souvent plaint d'avoir trop de spectateurs et pas assez de supporters, la tendance va quelque peu s'inverser à la fin du siècle, quand les tribunes se garnissent d'un public plus jeune et plus déterminé à se faire entendre. Une population qui n'a pas connu Saupin et qui n'y fait référence que par politesse pour les anciens, au même titre qu'au jeu à la nantaise. Tandis que sur le plan sportif l'équipe ne cesse de décliner, au point de s'offrir de terribles passages en deuxième division, le public devient la vedette locale à travers des groupes de supporters capables de créer une ambiance telle qu'elle sera souvent citée en exemple. photo FC Nantes Si le jeu qui fit la réputation de l'équipe s'est complètement dilué et si le club lui-même est devenu la risée de ses adversaires, le Stade de la Beaujoire est devenu un monument de la ville. Les Nantais y sont désormais tellement attachés qu'il a été défendu par le plus grand nombre quand a été présenté le fumeux projet du Yello Park. Le Stade de la Beaujoire, renommé Louis-Fonteneau, a conquis sa légitimité grâce aux performances du FC Nantes, des joueurs puis de son jeune public. Il s'est également construit grâce aux rencontres des équipes de France de foot et de rugby, des Coupes du monde des deux disciplines, sans oublier les épopées de clubs voisins venus prendre la lumière comme Carquefou, les Herbiers ou Poiré-sur-Vie. Des concerts géants, de Genesis à Mylène Farmer en passant par Pink Floyd, U2 et Johnny Hallyday, ont aussi donné au stade un statut de lieu événementiel de premier plan. A l'occasion des quarante ans de l'enceinte, le journaliste Alexis Vergereau a tenu à conter tous les moments qui ont fait son histoire à travers les témoignages de quelque 140 hommes et femmes qui ont participé à son histoire et son évolution. Son livre Il était une fois la Beaujoire, est disponible aux éditions Ouest-France, avec une préface signée Mickaël Landreau.

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