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Vítor Matos : “C’est le rêve pour tout jeune joueur d’avoir un entraîneur comme Jürgen Klopp”

C’est un Vítor Matos souriant qui à accueilli Luís Mateus pour le média portugais Abola au centre d’entraînement de Liverpool, à Kirkby, quartier général des Reds depuis un peu plus de trois ans. Un espace imposant avec des conditions spectaculaires, d’innombrables pelouses impeccables, un terrain de padel où les entraîneurs libèrent une partie de la pression accumulée, et depuis cette saison la Melwood Arena, une cage 5vs5, idée de l’adjoint Pep Lijnders et inspirée des ‘gaiolas’ portugaises où le ballon ne sort jamais et où l’on veut non seulement reproduire sur gazon naturel le football de rue, mais aussi améliorer la technique et la créativité des joueurs. Il y est peint, en plus du nom du lieu qui est un hommage au précédent centre d’entrainement maintenant utilisé par l’équipe féminine, la citation co-écrite par l’entraîneur adjoint portugais : “This place belongs to the ones who only have winning in their mind.” (“Ce lieu appartient à ceux qui n’ont en tête que la victoire.”) Traduction. À Anfield, les aspirations à remporter le titre de Premier League semblent redoublées. Liverpool se trouve en tête du classement et a présenté un football de grande qualité. Vítor Matos voit un groupe sain et avec une marge de progression, comme prémices pour une longue et très intéressante conversation :
“Le plus important, c’est que l’équipe continue de grandir et de se développer en termes qualitatifs. Ce sera décisif pour le reste de la saison. Les équipes qui gagnent sont les équipes qui s’améliorent. Et c’est ce sur quoi nous nous concentrons chaque jour. Nous voulons créer de nouveaux souvenirs, de nouveaux matchs spéciaux, nous battre pour remporter des trophées, et ces derniers temps, nous avons créé la base collective pour cela.”
Et quel bilan faites-vous de ces années à Liverpool ?
C’est avec beaucoup de fierté et de passion que je suis ici à Liverpool ! Je ressens comme si c’était seulement hier que j’ai rejoint Melwood pour mon premier entraînement. J’apprécie beaucoup ma relation avec Jürgen Klopp et Pepijn Lijnders. Ce sont des personnes très importantes pour moi. Ils m’ont donné une chance unique. Liverpool est un club géant et l’un des plus emblématiques au monde, mais en même temps, nous fonctionnons tous comme une famille. Pouvoir en faire partie, pouvoir aider au quotidien dans les entraînements et les matchs, c’est quelque chose dont j’ai toujours rêvé.
Chaque séance d’entrainement de Klopp est toujours une “master class”, comme vous l’aviez dit après vos premières semaines ?
Bien sûr. Les problématiques changent. Mais en fonction de ses valeurs humaines, de son expérience et de sa façon d’être, il y a toujours des choses fantastiques que vous pouvez prendre. Je suis extrêmement reconnaissant parce que cela me permet de voir, d’apprendre et d’être à ce niveau avec ces joueurs.
Je ne le connais pas personnellement, mais j’imagine Klopp comme quelqu’un d’hyperactif ? Comment dépense-t-il cette énergie ? Au padel ?
Souvent ce n’est pas comme ça qu’il l’a dépense, c’est comme ça qu’il récupère de l’énergie, comme ça qu’elle se régénère. Mais oui, le padel c’est quelque chose qui nous aide beaucoup parce qu’il nous permet d’être un peu hors du jour le jour. C’est un moment où on se détend, on est en concurrence et on aime être là.
D’accord, mais y a-t-il autre chose où il dépense cette énergie ?
Je ne sais pas…
“Je plaide pour garder la possession du ballon en phase offensive. Pour trois raisons : premièrement, parce que je crois que c’est ainsi que le football doit être joué; deuxièmement, parce qu’il n’y a pas de moyen plus facile de gagner; et troisièmement, parce que c’est la meilleure façon de développer les joueurs. Avec la balle, il y a plus de temps pour prendre les bonnes décisions, dribbler, faire plus de passes et marquer plus de buts. Et en jouant ainsi, on évolue davantage sans aucun doute. Si le style de football est plus négatif, on ne crée pas le joueur plus désirable; on n’obtient pas un joueur technique et créatif.” Gardez-vous ces idées ? Je dois vous provoquer et vous dire que vous ressemblez plus à un disciple de Guardiola que de Klopp…
Ce sont mes idées. En substance, Klopp et Guardiola sont très similaires, car ce sont des entraîneurs qui veulent un jeu offensif.
Ils veulent maîtriser le jeu…
Et ils ont une grande obsession pour l’attaque.
La différence réside dans la vitesse à laquelle il est tenté d’atteindre le but adverse…
Oui, après au-delà de la concrétisation de l’idée, les valeurs de chacun sont différentes. Ce que je voulais dire à l’époque, c’est que pour moi, il est beaucoup plus important de se préoccuper d’attaquer et de créer ce genre de footballeurs, parce que cela permet un plus grand nombre d’actions, un joueur plus créatif et plus dynamique, sans négliger ce qui existe sans la balle d’un point de vue défensif. Et même quand on se soucie de nous-même pour conditionner le jeu de l’adversaire, on revient à la même idée. En termes de développement, nous avons beaucoup plus à gagner si nous pensons de cette façon, du moins c’est ce que nous pensons ici à Liverpool.
Est-il plus facile d’appliquer un modèle à l’intensité élevée dans un club aussi émotionnel ?
Il y a une symbiose entre le club, les supporters et l’entraîneur principal. Quand cela existe, vous pouvez créer des moments à Anfield comme certains que nous avons vécus ou d’autres comme face à Barcelone. Quand il y a une vision pour le club, une identité que l’on veut créer et que les choses se déroulent bien, c’est fantastique.
Klopp est à Liverpool depuis huit ans. S’il remplit son contrat, ça fera une décennie. Je ne veut pas parler d’une dépendance, mais ça crée une identité très forte qui pourrait laisser un lourd héritage à un nouvel entraîneur. On suppose que le club veut continuer à jouer de la même façon après vous ?
Il ne serait pas très intelligent s’il n’en était pas ainsi. En plus du succès, une grande relation s’est créée… Les gens se retrouvent dans cette idée de jeu, dans cette relation entre l’équipe, les supporters et l’entraîneur. Il y a une alchimie. Ce qui a été créé est si spécial et si unique qu’il serait logique de garder l’idée. Aujourd’hui, nous vivons dans une époque où les clubs sont achetés à tout moment et il est clair qu’une situation comme celle-ci pourrait entraîner des changements. Mais tel qu’il l’est, c’est parfaitement logique.
Vous n’utilisez pas de GPS parce que vous ne voulez pas subordonner le confort et la concentration des joueurs. Vous ne voulez pas qu’ils pensent à des métriques, mais seulement à ce qu’ils doivent faire sur le terrain. Cela semble être un cas rare en comparaison au reste du monde tourné vers le big data…
Cela fait partie de ce que Jürgen recherche en tant qu’entraîneur. Il y a beaucoup d’outils et chaque entraîneur est libre de valoriser ce qu’il veut. Nous voulons valoriser ce qu’est le rendement de notre jeu. Cela ne nous dit rien si un joueur court 13 kilomètres par match si l’idée est d’attaquer plus vite ou dans l’axe avec une plus grande verticalité alors que ce joueur du milieu de terrain que nous analysons fait toutes ses réceptions ou qu’il court vers l’arrière.
Il peut courir 13 kilomètres dont 9 mal courus…
Oui. Même dans ce qu’un joueur peut faire, nous apprécions si sur les dix passes qu’il effectue, huit ne sont pas faites en retrait ou vers un côté. Nous voulons qu’il valorise ce qui est important pour l’équipe. Bien sûr, le reste est important, mais qu’est-ce que nous apprécions le plus ? C’est ça ! Si c’est ça, il faut regarder ça. C’est quelque chose de concret. Peut-être que ces kilomètres, comme je l’ai dit, la moitié d’entre-eux ont été dans le vide. Absolument. Ce n’est pas concret. Nous ne ressentons pas le besoin de voir les choses de cette façon et nous ne le faisons donc pas.
Mais pensez-vous que les joueurs se sentent de plus en plus conditionnés par les métriques athlétiques ?
Oui, et je pense que celles-ci mènent l’entraînement et le jeu sur une voie qui ne valorise pas la qualité du jeu.
Racontez-moi l’histoire où vous avez été forcé de porter le maillot de Benfica et de chanter dans les rues de Liverpool ?
C’était le jour de mon enterrement de vie de garçon. Comme ils connaissaient ma grande affection pour le FC Porto et la rivalité qui existe, ils ont décidé de m’offrir un maillot de Benfica floqué de mon nom, et j’ai dû marcher… Je vais raconter depuis le début, parce que c’était vraiment un jour que je n’oublierai jamais. Je suis chez moi et le bus du club vient klaxonner. Et à ce moment-là, je me dis : ‘ai-je oublié quelque chose ? Le bus du club est là… Y a-t-il eu des e-mails que je n’ai pas lus, des messages que je n’ai pas vus ?’ Je sors, j’ouvre la porte, tout le monde porte le même t-shirt, et là Laura, ma femme, me dit aussi : ‘Je ne sais pas, va voir.’ Autrement dit, elle était au courant. Tout le monde est là, ils m’appellent pour mon enterrement de vie de garçon, et la première chose qu’ils font c’est de me mettre un maillot de Benfica. Ensuite, je devais m’arrêter à certains endroits de la ville et chanter des chants de Liverpool. Dans l’un de ces arrêts, nous entrons dans un bar qui s’appelle Jürgen. On entre, on prend des photos, puis dans le journal, ils écrivent que Klopp a pris une photo dans un bar avec un fan de Benfica. C’était moi. C’était une journée incroyable ! À ces choses, Jürgen et le club sont incroyables.
C’est lui qui a tout organisé ?
Lui et Pep Lijnders.
“La pire chose que nous puissions faire à un jeune est de le mettre sur le terrain trop tôt.” Ces paroles sont de Jürgen Klopp et justifient une grande partie de votre présence dans un club comme Liverpool…
J’espère que je suis venu pour aider dans une partie de ce processus. Je suis arrivé d’une nécessité que le club avait. Jürgen et Pep ont estimé qu’il y avait un grand besoin de relier ce qui se passait alors au sein de l’équipe U23, aujourd’hui l’équipe U21, avec l’équipe première. C’est quelque chose qui était cohérent en termes d’idée de jeu et de méthodologie d’entraînement. Et depuis, il y a un ensemble de petites choses qui sont liées à cela, parmi lesquelles la logique selon laquelle je suis en constant dialogue avec l’entraîneur de l’équipe U21 et le directeur de la formation pour avoir les meilleurs joueurs, ceux auxquels le club croit, plus proche de l’équipe première, et avec un projet individuel dédié.
Et cette liste est-elle hermétique ?
Non, elle n’est pas impénétrable et elle ne peut pas l’être. Dans de nombreux cas, il y a des moments où un jeune est moins performant à court terme, mais qu’à moyen ou à long terme, nous avons pour perspectives qu’il se développera. Ça ne serait pas le bon moment pour l’exposer en équipe première et il vaudrait mieux le garder dans la catégorie juste en-dessous. Ou à l’inverse. C’est-à-dire qu’un jeune est performant, qu’il réussit déjà à son âge et pourrait aussi à bien des choses à l’échelon supérieur et donc il faut réfléchir à ce qui va se passer pour lui. Tout ce dialogue, tout ce projet, pour l’équipe première et pour la formation… a été l’une des raisons de ma venue. L’autre raison était de la nécessité d’avoir un entraîneur supplémentaire en équipe première.
Un joueur sait-il s’il ne fait pas partie d’un contexte particulier, même temporairement ?
Ce que nous avons très bien défini, c’est qu’un joueur sait à quelle équipe il appartient…
Mais il ne sait pas s’il est sur une liste spéciale du club…
Non, mais il sait s’il est en équipe première, U21 ou U18. Et cette décision a à voir avec l’endroit où vous avez les équipements : si avant l’entraînement avec l’équipe première vous allez les chercher à la formation ; si vous avez déjà un casier ou un espace dans les vestiaires de l’équipe première ; si contractuellement c’est prévu ; si vous avez les avantages d’être en équipe première, comme des tickets d’accès au stade et d’autres choses, ou pas. C’est très clair pour chaque joueur. Nous avons des joueurs qui sont en équipe U21 et s’entraînent constamment avec l’équipe première et d’autres qui, bien qu’ils soient en équipe première, ont besoin d’être exposés et le sont en U21. C’est toujours très clair. Et au bout d’une période, supposons six ou huit semaines, nous évaluons et en fonction de cette période, nous pouvons dire : ‘ok, c’est logique…’. Une des grands problématiques que nous devons considérer est le nombre de matchs auquel le joueur sera exposé ou non en fonction du calendrier de l’équipe première, parce que nous en avons beaucoup et en peu de temps. Nous nous demandons alors : ‘Quel est le stimulus d’entraînement qu’il va avoir ?’. Est-il logique qu’il ne soit pas en équipe première, mais en U21 et de s’entraîner une semaine complète avec un premier match le week-end, puis de s’y entraîner une autre semaine ou est-il logique qu’il soit avec l’équipe première, d’aller sur le banc une à deux fois et de ne plus avoir d’exposition au jeu. Nous devons réfléchir à comment tout cela va influencer ses performances et son développement.
Lorsque l’on ressent le besoin que, même si le joueur est en équipe première, qu’il a besoin d’un processus d’entraînement, d’entraînement, d’entraînement et de match, alors dans les prochaines semaines, il s’entrainera avec les U21. Il sera convoqué à quelques entraînements de l’équipe première, mais il sera avec les plus jeunes. Il fera deux matchs, on en reparlera, reviendra ici et tout ira bien. C’est toujours une logique de défi, de ce qui est mieux individuellement, et de ce que nous envisageons pour lui à court, moyen terme. Cela se fait surtout avec ces joueurs parce que l’impact sur eux doit être plus à court et moyen terme, pas à long terme comme si c’était un U16.
Dans des entretiens précédents, vous aviez déclaré qu’il n’était pas très pertinent de jouer dans le même système en U18, U21 et en équipe première, bien que cela puisse aider. L’important serait de mettre en œuvre les principes de base de l’équipe première.
La décision du club peut être de voir la formation avec comme objectif principal de former des joueurs pour alimenter l’équipe première, et du coup il y a une culture et une identité déjà très définies de la façon dont l’équipe première doit jouer. Tout le reste, en termes de ressources humaines, idée de jeu, fonctionne dans cette direction. Une autre chose valable est que le projet du propriétaire ou du directeur sportif soit de tirer parti du marché, de créer des ressources financières à travers celui-ci, et la formation doit également avoir cette perspective. En ce sens, l’équipe première doit souvent utiliser les jeunes joueurs du club pour valoriser et vendre. Ce sont deux situations… qui ont des implications ensuite sur ce qu’est le projet de formation. En Angleterre, il y a une culture très forte du joueur qui part en prêt, parce qu’il crée un marché pour le footballeur et parce que financièrement il génère aussi des ressources. C’est un marché secondaire avec beaucoup de poids ici et est considéré comme une forme de développement.
Nous recherchons une adaptabilité, et il s’agit de la vision du club : nous voulons que les U18 et U21, les seuls échelons avec une compétition formelle similaire au Portugal car les autres ne participent qu’à des tournois et jouent en amical, soient plus liés à l’équipe première. Et là, notre préoccupation, ce sont les principes macro. Ceux qu’on identifie à Anfield quand on voit l’équipe jouer et qu’on peut reconnaître quand on va à l’Académie. Ces choses identifiables doivent être là. Il y a de petites choses que la structure, quand elle est la même, aide en termes de dynamiques et de petites dynamiques. Cela les rend plus facile, il n’y a pas lieu de le cacher, mais ce qui nous préoccupe le plus c’est de reconnaître un ensemble de choses qui sont indépendantes d’une structure ou d’une autre, car ce sont des points de départ. Ce qui change, c’est la dynamique elle-même et c’est la priorité.
L’exemple est même le vôtre : S’il y avait deux bons attaquants, le système ne serait pas pertinent parce que vous voudriez développer les deux…
Même pour revenir aux postes, parfois l’opportunité est une nécessité. Ce que nous essayons est que dans l’équipe première, une fois construite, il y ait de la place pour les joueurs de la formation. C’est la vision du club et de l’entraîneur, ce qui en soi génère déjà des opportunités.
Souvent, il y a également un besoin momentané qui va générer une opportunité pour un jeune de la formation. Dans de nombreuses situations, ce qui se passe à cet âge, c’est qu’un jeune qui joue habituellement ailier droit avec les U21 devra y jouer arrière droit en fonction des besoins de l’équipe première. Ce que nous recherchons, c’est qu’à chaque fois qu’il y a le besoin de regarder un joueur, la priorité doit être l’équipe première en ce qui concerne sa position.
C’est-à-dire que lorsque nous envisageons l’effectif et sa stabilité pendant deux ou trois ans et que nous avons un talent, nous nous demandons où nous allons le renforcer immédiatement pour que lorsqu’il atteindra l’équipe première, il jouera à telle position. Cela ne veut pas dire, pour ne pas être mal compris, qu’il va être exposé à jouer en tant qu’ailier droit, ce qui va lui créer une série de besoins et de problèmes, puis jouer arrière droit. Ça c’est autre chose.
Mais nous envisageons la position à laquelle le jeune joue au niveau inférieur par rapport à où est la priorité en équipe première. Si nous avons deux bons attaquants, comment pouvons-nous les améliorer ? Les deux jouent, bien sûr. Nous nous ajustons en termes structurels. Mais en équipe première, comment va-t-on faire ? Ou bien on décide plus tard et l’un d’eux partira en prêt et l’autre ira en équipe première ? Cependant, peut-être que pour l’un d’eux, vu la façon dont l’équipe première est bâtie, il soit plus logique qu’il joue ailleurs. Alors pourquoi ne pas l’exposer au jeu ailleurs, voir quelle sera ses performances à tel échelon, et prendre une décision plus tard ? Toutes ces décisions doivent être constamment réfléchies, et un entraîneur d’une équipe réserve doit avoir cette sensibilité. Parce que plus tard, en collaboration avec le directeur de la formation et le directeur sportif, et selon la vision du club, il est beaucoup plus facile de prendre la décision de prêter, vendre ou bien garder le joueur dans l’effectif principal.
C’est une vision plus centrée sur l’individu qu’au Portugal. Peut-être qu’ici on pense encore beaucoup au modèle néerlandais…
C’est un modèle qui a du sens pour l’Ajax en tant que club et vision. La formation est de créer pour l’équipe première. Il y a une forte culture de la façon dont ils veulent jouer, attaquer, défendre et, si l’objectif est de soutenir tout cela, alors il faut commencer par le bas. Plus on est petit, mieux c’est…
Et le Portugal a copié ?
Je ne sais pas…
Dans ma génération, à chaque fois qu’on parlait d’un exemple de formation à suivre par les grands, celui de l’Ajax était la plus grande référence…
Et Barcelone… Parce que ce sont des exemples solides de la façon dont un projet de formation peut soutenir l’équipe première. L’importance de la formation en termes de durabilité pour les clubs est plus que démontrée. Je ne sais pas comment se passe la formation au Portugal aujourd’hui, mais quand j’étais au FC Porto le projet était fort, avec une idée cohérente entre la formation et l’équipe première. Nous savions quel type de joueur nous voulions créer et lequel était le plus attractif pour le marché, qui demande et valorise de plus en plus les créatifs. Parfois, les difficultés passent par la décision prise de ce que nous voulons pour le club. Je sais qu’au Portugal, le projet est souvent de gagner le match suivant, mais je continue de croire qu’il est possible de réaliser les deux. Tout cela a beaucoup à voir avec la façon dont nous voyons le football, l’entraîneur, le marché et la vision que nous avons pour le club.
Comment expliquer à un jeune joueur comme Harvey Elliot que la terre continue de tourner après une blessure grave en pleine ascension. Ou à Curtis Jones ?
Bonne question. Ça dépend beaucoup de la personnalité de chacun. Dans les cas concrets d’Harvey et Curtis, ils sont jeunes et ont tellement de faim en eux, tellement d’envie de jouer, que le plus grand souci a été de gérer cette attente, en disant que tout ira bien, qu’il faut du temps, prendre les bonnes mesures et que les personnes responsables du service médical au club, sont celles qui vont pouvoir te guider au meilleur moment.
C’est le pire moment…
Sans aucune doute. Mais il ne faut pas les laisser entrer dans la frustration avec le moment lui-même, car nous pensons souvent que cela va se dérouler comme prévu mais ce n’est pas le cas. Et ce sont ces moments les plus difficiles pour les joueurs, car ils créent des doutes. Par exemple, en Belgique, Kaide Gordon a joué après 18 mois d’arrêt, et ce processus est très, très difficile. Il faut être entouré par de bonnes personnes. Kaide est venu avec nous pendant la pré-compétition sans même être prêt pour être sur le terrain, mais nous avons simplement discuter… À un âge où il se passait beaucoup de choses, nous voulions lui donner cette assurance qu’il faisait toujours partie de l’équipe première, que nous prenions soin de lui et qu’il était avec nous. Ces petits gestes, ces détails font une grande différence. Ensuite, c’est au jour le jour. Tu n’es pas toujours là, mais il sait qu’il peut nous parler à tout moment. Nous disons souvent que c’est le moment où le joueur doit se sentir un peu comme la femme qui attend 20 ans que son homme revienne de prison. Ou de la guerre. Le joueur doit sentir que nous allons continuer à l’attendre. Ce sentiment d’appartenance est important. Harvey Elliott et Curtis Jones En plus de cela, il y a plusieurs autres jeunes qui sont apparus en équipe première comme Marcelo Pitaluga, Jarrell Quansah, Conor Bradley, Stefan Bajcetic et Ben Doak… Pouvez-vous tracer le profil actuel de chacun ?
Différents moments, différents parcours. Marcelo est gardien de but, nous l’avons signé en provenance du Brésil. Il a connu un bon développement et est dans une phase où l’envoyer en prêt sera important car il sera constamment exposé aux matchs en étant le numéro 1. C’est différent de faire un match ou d’aller jouer avec les U21 quand c’est nécessaire, en étant ou pas le numéro 1 en termes de responsabilité, de groupe, de relation avec les défenses, etc.
Jarrel a connu un développement et une croissance incroyables. Notre idée a toujours été qu’il se développe avec l’équipe première, où il y représente ce que nous aimons voir d’un central. Il avait besoin de temps pour trouver des solutions à certaines difficultés, il devait s’adapter. Et cela n’était possible que s’il était exposé à la façon dont nous voulons jouer, comment nous nous entraînons. Il l’a fait. Puis nous avons décidé de le prêter en janvier, à l’époque à un club de League One, les Bristol Rovers, et il a eu un rendement fantastique. Il est revenu, il a fait la pré-compétition et en fonction des besoins, nous avons vu les performances qu’il a réalisé.
Conor Bradley est très similaire en termes de projet avec Quansah (Jarrel). La différence est que Conor s’est montré, très tôt, un latéral offensif, avec de grande qualité de centre, dans les 1v1 dans le dernier tiers ainsi qu’une qualité technique supérieure à la moyenne. Quand on le voyait en U18 et en U21, à l’époque c’était les U23, où il jouait ailier, il fallait le stimuler surtout en termes défensifs, tant dans la compréhension que dans l’exécution. Il a été prêté un an à Bolton et a été le meilleur joueur. Il a connu une année fantastique, il est revenu, il a été blessé et il est seulement en train de revenir dans l’équipe. C’est le genre de cas où le jeune a tout devant lui, mais il doit encore faire quelques pas. Mais le club le fait très bien. La proximité qui existe… Jürgen le fait très bien. La façon dont il se lie avec ces joueurs est fantastique.
Stefan Bajcetic…
Qui était une solution de secours…
C’était une nécessité…
Vous avez brûlé certaines étapes ?
C’est une décision prise quand tu sais qu’il a du talent et que ça va marcher. Tu te dis : ‘On va tenter notre chance’ et c’était génial. L’an dernier, il a fait des matchs géniaux pour son âge, avec un rendement incroyable. On peut envisager un bon avenir pour lui. On n’a jamais eu besoin de le le prêter, selon ce dont on a déjà évoqué. En formation, il jouait central, et dans cette logique d’appeler des joueurs en équipe première, il y a eu un entraînement où on s’est dit : ‘Il a des choses, peut-être qu’on peut le faire jouer au milieu’. Sa première touche, la suite qu’il peut donner à la balle, Non seulement proche de lui, mais aussi au-delà de ce qui est à trois ou cinq mètres de lui… Ce que nous avons fait, c’est de l’exposer en U21 en tant que 6. Et si les U21 ne jouaient pas avec un 6 ? Si la priorité était de l’observer immédiatement à ce poste, parce que cela pourrait arriver en équipe première à court terme, alors l’équipe devait s’adapter. C’est ce que nous avons fait. Et à partir de là, il a été fantastique. Il y a encore beaucoup de choses sur lesquelles il doit évoluer et grandir, mais il est incroyable.
Ben Doak…
En fonction de comment il a performé l’année dernière tant en Youth League que en U21 et de son profil, parce qu’il est très rapide, a un bon pied droit, pied gauche, est fort dans le 1v1, nous ressentions le besoin de l’exposer aux entraînements de l’équipe première pour voir s’il pouvait résoudre les problèmes de la même façon ou s’il changerait de réponse. Il a eu un impact énorme, parce qu’il est très explosif. C’est un diamant brut, et maintenant il est dans une phase où il se dit : ‘OK, maintenant je m’entraîne régulièrement en équipe première, mais je dois être performant ici ou en U21 ?’. Ces questions font que, parfois, il a moins de régularité, mais je pense qu’il est sur le point de retrouver son identité, sa compréhension du jeu, celle qu’un ailier de Liverpool doit avoir en termes de type de problèmes à résoudre, déjà à son âge l’aideront à être plus performant dans la futur. Il est dans le processus, il est avec nous.
Cela nous amène à la question à plusieurs millions de dollars : l’un d’entre eux pourrait-il être le prochain Alexander-Arnold ?
Si l’on parle de joueurs de la formation qui intègrent l’équipe première, j’espère que oui. Nous travaillons pour que cette possibilité existe pour tous les joueurs… La façon dont l’équipe a été pensée, la façon dont nous voyons aussi la formation pour tous. Pour nous, ce serait fantastique. Mais il est également injuste de leur imposer cette pression, ce poids.
Mais voyez-vous ce potentiel ?
Oui. Trent est fantastique. Il a des caractéristiques qu’aucun autre arrière droit au monde n’a en ce moment. Et la façon dont il a grandi, étant un gamin de la ville, un Scouser… Il est arrivé en équipe première, c’est un rêve fantastique. Il a eu le développement qu’il a eu, a gagné la polyvalence et la compréhension du jeu qu’il présente en ce moment… La façon qu’il a de trouver des coéquipiers à 60, 80 mètres, la qualité de ses centres, le leadership que l’on commence à voir en lui… C’est un joueur fantastique, et il n’est pas facile que cela arrive toujours dans un projet de formation. Maintenant, est-ce possible ? C’est possible. Est-ce que ça va arriver ? On ne sait pas.
Klopp est-il cet entraîneur qui, par son charisme et sa capacité à motiver les autres, est capable d’extraire immédiatement un bon retour des jeunes ?
C’est le rêve pour tout jeune joueur d’avoir un entraîneur comme Jürgen Klopp. D’abord, parce qu’il y croit. Il croit beaucoup au joueur de la formation et aux jeunes. C’est un entraîneur qui donne l’occasion, mais en même temps il est exigeant. C’est quelqu’un qui, surtout, leur permet d’être libre en termes d’identité dans ces moments. Placer un jeune joueur une fois n’est pas parier sur la formation, il faut continuer. Et Jürgen a cette vision, cette idée pour Liverpool, et c’est fantastique. Il sait qu’il peut exiger dans l’entraînement et le jeu, mais il doit avoir un peu d’affection en raison de l’âge et du moment qu’ils vivent. Mais cela a beaucoup à voir avec le projet de formation aussi. C’est important de se faire remarquer par le football, pas par la voiture ou les vêtements. Par exemple, un joueur qui appartient encore aux U21 doit venir tous les jours avec l’équipement d’entraînement. Et quand vous allez en équipe première, vous devez toujours venir avec votre équipement. Seulement quand vous intégrer l’équipe première, vous pouvez venir comme vous voulez. Ce sont des détails qui vous aident à créer une culture. C’est important. Quand ils viennent, ils savent que la façon dont ils doivent sortir c’est : tête baissée et s’entraîner. C’est ce que nous essayons de développer. Vítor Matos et Jürgen Klopp Pourquoi l’Angleterre ne réplique pas le système des équipes B ?
De par des différences politiques liées à la structure des ligues. L’une est organisée par la Premier League et les autres par l’EFL (English Football League), ce n’est pas comme au Portugal. Et cela engendre des différences. Ensuite, parce que sur le marché, il y a une grande puissance des Big 8 de Premier League lorsque l’on compare à une équipe de League One, c’est-à-dire que l’investissement qui existerait pourrait créer ici une certaine… Alors qu’au Portugal, le nombre d’équipes B était important mais toutes faibles niveau budget. Ici même les clubs de Championship auraient facilement une équipe B, ce qui augmenterait exponentiellement le nombre d’équipes. C’est quelque chose qui a du sens et apporterait des bénéfices. Mais en fonction de ce marché secondaire des prêts qui existe en Angleterre, de la façon dont les Ligues sont organisées et de la culture de club de plus bas niveau, où même ceux de League Two ont 10000, 5000 supporters en tribunes, il faudrait y réfléchir avec une très grande pondération. Ce sont des décisions qui prennent du temps.
Il fut un temps où le Portugal ne sortait que des ailiers. Aujourd’hui, ils sont rares. Serait-il possible de conditionner les académies pour qu’il y ait à nouveau des ailiers ?
Cela un peu à voir avec la façon dont le football a évolué. Au fur et à mesure que les problèmes se résorbent dans le jeu. Bien sûr, il y a des références en tant que club ou en tant qu’idée de jeu et celles-ci conditionnent beaucoup de jeunes qui s’entraînent à la formation. On voit, on réussit et on s’adapte. Mais cela a beaucoup à voir avec la façon dont le football a grandi et la façon dont il évolue en termes de qualité de jeu. Le Portugal à tant, tant de talent dans sa sélection. Pour moi, la diversité des profils qu’il y a à toutes les positions est incroyable.
Le profil du footballeur portugais à changé ? Nous avons beaucoup de talents, des joueurs à toutes les positions, mais le joueur portugais est-il aujourd’hui plus compétitif qu’il ne l’était dans le passé ?
Je ne sais pas. Depuis que je suis entraîneur, même à la formation, nous avons toujours eu un joueur très technique, avec appétence et passion pour le jeu. Et maintenant, même si je n’y suis plus depuis quelques années, je continue à voir ça de l’extérieur.
Il se disait que le footballeur portugais échouait aux moments décisifs, n’était pas assez compétitif… il lui manquait 30 mètres…
Il y a eu un investissement dans ce qui était la formation de tous les clubs et même de la Fédération. Il y a eu une professionnalisation, les niveaux de formation sont plus organisés, la Ligue également. Tout cela aide. Maintenant, notre histoire est remplie de joueurs fantastiques. Parfois pour jouer, on essaye de faire une équipe de 5 avec les meilleurs joueurs et quand tu commences à penser à ceux qui font partie de notre histoire, c’est incroyable…
C’est ça le grand bond en avant, avoir des joueurs à toutes les positions ?
Oui, cela à voir avec la culture. D’abord, c’est un pays qui vit le football, qui a une culture du football, avec beaucoup d’émotion pour le jeu et cela nous a offert des expériences, surtout quand le football de rue existait. Il est important de le retrouver à la formation et cela crée une grande diversité en termes de talent. J’espère que cela va continuer à porter ses fruits et à avoir autant de talent qu’il y à actuellement. La génération que nous avons, et quand je dis génération, je pense à ceux qui ont de 17 à 39 ans, est composée de joueurs avec une culture tactique si grande que quand ils parlent, c’est wahou ! C’est incroyable. Il y a un langage, des connaissances et un état d’esprit complètement différent. Il, ne s’agit que de ça : tu grandis avec une culture, avec une passion pour le jeu tellement grande que cela, doit être le résultat. Et cela doit être encouragé.
Toutes les révolutions et réinventions footballistiques de différents pays sont passées par des gros paris sur la professionnalisation de la formation…
Sans aucun doute, tant que vous ne perdez pas votre essence du jeu. Bien que je sois à présent plus éloigné, je dois reconnaître l’excellent travail de nombreux clubs pour renforcer le football dans les régions. Je voudrais voir, si je puis me permettre un peu en m’éloignant de la question, un pari général sur le sport au niveau scolaire, qui en réalité serait une offre à tous : pas besoin de payer, seulement de s’inscrire. Être en cours et au sport. Voir des initiatives qui indirectement provoqueraient un effet chez les jeunes : les voir faire du sport délibérément. Même au niveau culturel, il y aurait tant d’avantages, mais tant d’avantages. Cela dynamiserait beaucoup plus un ensemble de situations et pourrait se terminer dans des stades pleins, car il y aurait une culture du sport et un goût pour le sport. Elle engendrerait un sentiment d’appartenance, engendrerait une vie saine et ne serait que bénéfique à divers niveaux.
Et génèrerait un meilleur produit aussi.
Sans aucun doute.
Êtes-vous positif sur le football portugais ?
La Ligue a un si bon produit. Tellement de talent, tellement d’entraîneurs de qualité et avec une identité bien définie. Nous voyons des bons matchs et nous devons en profiter. La relation entre les 11 joueurs sur le terrain, le public et la ville ou la région doit être reconstruite, car le football en a besoin. Quand on voit des stades pleins, c’est complètement différent. Vivre un match de football en direct est tellement différent de le voir à la télévision, que cela devrait être encouragé. Si les gens retrouvent cet intérêt, la moitié du chemin est réalisé. Créer cette culture sportive serait positive. La veille des matchs, nous partons en déplacement et beaucoup de fois sont retransmis des matchs du championnat portugais et nombreux sont très bons.
Curieusement, les moins bons matchs semblent ceux être entre ‘les grands’… Plus agressifs et moins créatifs…
Oui parfois le côté émotionnel fait que le match part dans une certaine direction mais cela fait partie du jeu et il faut le comprendre. Pas le valoriser. Je pense que le jeu en lui-même doit être valorisé, pas ses ‘extras’. Mais parfois cela arrive.
Nous sommes d’accord quant au fait que les équipes B ont été importantes pour le Portugal ?
Sans aucun doute. Pour tout ce que cela permet en termes d’exposition, de développement, de marché, de renforcement des sélections de jeunes, cela a été et c’est fantastique. Et je pense que nous devons continuer à prendre soin de ce système des équipes B. Elles sont aujourd’hui’ en deuxième division et c’est très important.
Cela n’enlève-t-il pas de la compétitivité, du poids de ‘former à gagner’ ? Vous pouvez être champion, mais vous ne pouvez pas monter de division…
Que ce soit Folha, pour l’équipe B du FC Porto, ou Nelson Veríssimo, pour celle de Benfica, connaissant les deux, ils jouent tous les matchs pour gagner. Quand vous conditionnez votre préparation au match de cette façon, la compétitivité est déjà là. La question de savoir si cela va se produire ou non est une autre histoire, mais il doit y avoir cette préoccupation. Maintenant, c’est un niveau exigeant, parce que nous parlons d’une deuxième division, où il y a des joueurs de qualité… Et c’était d’ailleurs une des bonnes choses de l’intégration des équipes B dans cette division parce qu’elles ont élevé le niveau de jeu, en y plaçant des joueurs internationaux avec une grande qualité technique, en obligeant d’autres types d’investissements de la part des clubs qui voient qu’il est possible de bien y jouer, quand il y avait parfois ce préjugé que non. Et cela a conduit à des choses positives. Les équipes B ne peuvent pas monter en division, mais elles peuvent être championnes. Et être champion en deuxième division, comme le FC Porto l’a déjà fait, est un sentiment fantastique pour tous les joueurs et pour le club c’est exceptionnel.

“Parfois, la périodisation tactique, parce que c’est la nôtre, devient un tabou inutile. Elle doit faire encore plus partie intégrante de la pensée footballistique portugaise, ne serait-ce que pour l’expression globale qu’elle a.” En quoi la Chine, en plus d’être une expérience de vie, vous a-t-elle façonné en tant qu’entraîneur ?
Cela a été deux ans où par-dessus tout je suis devenu plus tolérant dans certaines situations. Le choc culturel est très grand, car ils sont très différents dans la vie quotidienne et dans le football. Le Portugal avec des clubs centenaires c’est une chose. Et la Chine avec ses clubs de 20 ans, 5 ans, en est une autre. Il n’y a pas de culture du football. Ils étaient en train d’investir pour commencer à grandir. J’ai beaucoup aimé l’expérience parce qu’elle m’a permis de voir qu’il y a du talent partout dans le monde. À certains jeunes âges, c’est incroyable. Mais les choses ont aussi besoin de temps, elles prennent du temps. Ce n’est pas une critique, mais parfois mettre beaucoup d’argent ne veut pas dire que les choses vont fleurir immédiatement. Créer une culture, une façon d’être, prend beaucoup de temps. Là aussi. C’était un défi personnel. Dans la façon dont nous communiquons, nous transmettons. C’est un défi de se valoriser en tant qu’être humain au quotidien, dans l’enseignement, dans la politique, et nous devons nous adapter. Cela m’a permis de créer encore plus d’empathie. Avoir la capacité de se mettre à la place de l’autre est très important, encore plus de nos jours.
Et le FC Porto ? Dans quelle position se trouve Luís Castro, par exemple, dans la liste de vos références ?
Luís était mon directeur technique et aussi très important pour moi. Une référence en tant que personne, en tant qu’entraîneur et pour la façon dont il se lie aux gens. C’est une personne fantastique, avec une attitude toujours très positive, qui honore le football. Ce que j’ai vécu au FC Porto avec lui en tant que coordinateur technique était fantastique, j’ai beaucoup appris de lui, des gens et du projet que Luis a réussi à créer. La quantité de joueurs qui ont également commencé à émerger de la formation du FC Porto a beaucoup à voir avec lui et a été sans aucun doute très important pour moi et mon développement. Le FC Porto en termes culturels… C’est une chose de regarder la télévision, c’en est une autre de vivre directement avec des gens comme Folha, Paulinho Santos, Capucho, António Frasco, Bino, Mario Silva… C’est-à-dire que la façon dont ils vivent le club et le football vous remplit d’un ensemble d’expériences fantastiques et pas seulement… Pep Lijnders était là, et était remarquable par tout ce qu’il impliquait dans le projet de formation. Il m’a fait grandir énormément. J’arrivais à 8h30, 9h00 et je restais jusqu’à 21h00 pour pouvoir m’abreuver de tout ce qui se passait. Ça a été déterminant pour moi. Luís Castro et Vítor Frade (Photo: Vítor Garcez/ASF) Vous êtes un fervent disciple de Vítor Frade…
J’ai eu beaucoup de professeurs fantastiques, mais il y en a deux qui m’ont vraiment marqué. L’un d’eux était le professeur Paulo Cunha e Silva, aujourd’hui décédé, une de ces personnes avec qui dès lorsqu’on que l’on entre en contact, nous sommes capable de voir tout le génie. Le cours était ‘Introduction à la Pensée Contemporaine’. La façon dont il voyait ce qu’était la pensée contemporaine, les systèmes complexes… Il parlait de l’importance d’avoir une connaissance non pas verticale ou horizontale, mais diagonale, parce que nous serions ainsi capables de créer une plus grande transdisciplinarité entre plusieurs sujets et d’aller chercher dans divers domaines des choses importantes pour notre propre connaissance. Il était fantastique. C’est quelqu’un qui m’a beaucoup marqué.
L’autre personne était le professeur Vítor Frade, pour tout ce qu’il implique. Aujourd’hui encore, à chaque fois que je vais au Portugal, j’ai le plaisir et l’honneur d’aller prendre un café ou un déjeuner avec lui. Il a été mon professeur et, quand je suis entré au FC Porto, il était, si l’on veut l’appeler ainsi, le responsable méthodologique ou le coordinateur avec Luís Castro. Cela m’a permis de grandir dans la façon dont je perçois l’entraînement et le jeu, c’était sans aucun doute incroyable et très important pour moi. Aujourd’hui, c’est plus qu’un professeur, c’est un honneur qu’il soit aussi un ami. Parfois, nous n’aimons pas prendre soin des choses que nous créons, avec l’affection nécessaire. La périodisation tactique, une de ses œuvres, est quelque chose qui a été créé dans une université au Portugal, qui s’exprime au pays et à l’étranger, et que nous devons traiter avec l’affection due.
Expliquez-moi ?
On peut trouver des livres et des cours qui le font. Mais que ce soit quelque chose de naturel, parce qu’il y a d’autres choses liées au football qui ont leur propre place. Parfois, la périodisation tactique, parce que c’est la nôtre, devient un tabou inutile. Elle doit faire encore plus partie intégrante de la pensée footballistique portugaise, ne serait-ce que pour l’expression globale qu’elle a.
Comment la périodisation tactique s’applique-t-elle, par exemple, au “gegenpressing” ?
Le “gegenpressing” est une idée, une façon de comprendre le jeu si l’on peut dire. La périodisation tactique est une méthodologie d’entraînement, une façon dont l’entraîneur ‘fabrique’ son idée de jeu ou, si l’on veut, modèle son contexte dans le sens de son idée de jeu. Par conséquent, ce qui est indispensable est d’avoir une idée de jeu, quelle qu’elle soit.
Un entraîneur peut-il être la somme de plusieurs idées et styles ? Est-ce possible ?
Un entraîneur peut être ce qu’il veut. Maintenant pour moi, il doit ressentir et croire en son idée, sa façon de comprendre le jeu. C’est pour moi le plus important. Ensuite, bien sûr, il doit être capable de l’opérationnaliser, de la communiquer et surtout de convaincre ses joueurs.
Est-il logique de renoncer à son idée principale juste parce que vous affrontez une équipe plus forte ? C’est-à-dire, est-il logique par exemple qu’une équipe très offensive affronte Liverpool, mette le bus à l’arrière voire un bus à deux étages…
C’est déjà arrivé, beaucoup de gens l’ont fait. Mais beaucoup de gens ne l’ont pas fait. Si vous me demandez ce que je ferais, je pense que l’important est de ne pas perdre deux choses. L’une est le match lui-même et l’autre la façon dont vous voulez jouer. Si nous avons passé une année entière ou beaucoup de temps à développer et à créer cette culture, cette idée, alors pourquoi la changer ? Il y a un certain nombre de choses qui peuvent s’ajuster, on peut s’inquiéter plus ou moins de ceci ou cela, mais cela ne devrait pas nous enlever ce qui est notre essence, notre ADN.
Vous avez dit à un moment que l’influence de José Mourinho est si grande au Portugal que tout le monde veut y être entraîneur ? Qu’est-ce qui vous distingue des autres ?
Je ne sais pas… Maintenant je crois qu’il est toujours possible de faire quelque chose de spécial. J’aime attaquer, j’aime pousser pour attaquer, j’aime dominer et avoir l’initiative du jeu. J’aime la possibilité que le football vous donne de créer des émotions, de générer de la passion et de créer des souvenirs uniques chez les supporters.
Je vois que vous avez déjà l’identité d’un entraineur principal ?
Oui. Parce que même si je suis jeune, même si je n’ai jamais joué au haut-niveau ou même plus bas, je suis dans le football depuis de nombreuses années. Il y a une série d’expériences que j’ai vécues, des choses que j’ai apprises de gens avec qui j’ai eu le plaisir d’interagir, l’opportunité et la chance d’être proche de moi, et qui m’ont permis de savoir progressivement où je veux aller. Le chemin à parcourir est clair pour moi.
Oubliez les contrats. On vous appelle demain pour prendre une équipe. Vous vous asseyez sur le banc et vous savez comment vous allez jouer ?
Bien sûr. Je ne pourrais pas faire mon boulot à Liverpool si je ne le savais pas.
Et la question qui se pose, puisque vous l’assumez : avez-vous une date de quand vous aventurer en solo ?
Je ne sais pas.
Mais pensez-vous que c’est un chemin naturel ?
Oui. Si vous m’aviez demandé il y a cinq ans si je serais à Liverpool aujourd’hui, je vous auriez dit ‘je ne pense pas, je ne sais pas, pourquoi ?’. C’est arrivé en fonction de beaucoup de choses, d’opportunités, de chance, que les choses aillent dans le bon sens, et ce que je ressens là, c’est que quand l’occasion se présentera, ce sera pareil. Je veux dire, ce n’est pas quelque chose auquel je pense tous les jours ou qui me préoccupe. Je ne pourrais pas non plus faire ce que je fais s’il y avait cette préoccupation constante. Mais cela pourrait arriver si le contexte venait à se présenter, pour ma famille et si c’est le bon moment aussi en termes professionnels.
Vous avez déjà été sondé ?
Non, je n’ai pas été sondé.
L’entraîneur optimiste est-il plus proche du succès ?
Cela dépend. Optimiste, mais pas avec un positivisme extrême, parce que cela peut aussi lui faire négliger un ensemble de questions qui devraient probablement le préoccuper. Mais un entraîneur positif, qui peut voir, surtout dans les moments difficiles, le verre à moitié plein et non à moitié vide, peut aider à certains moments.

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